qu'est-ce qu'une image fixe?
Différencier les images fixes des images en mouvement en utilisant un adjectif désignant une immobilité ne signifie pas pour autant que celles-ci ne circulent pas. À travers la figure de la Madone, et ses multiples représentations, nous interrogerons les processus de figement et de stéréotypage à l’oeuvre dans la photographie de presse (D. Ducard). Les images se déplacent, se citent et se transforment au gré des sociétés et des actualités. Nous verrons que le travail d’interprétation nécessite une prise en compte du contexte de production, de diffusion et de réception. Et nous aborderons également la notion de récit (P. Ricoeur) : comment ces images « fixes » nous racontent des histoires (P. Marion) ? Nous étudierons différents procédés de mise en intrigue comme l’ellipse, la diffraction, le hors-champ, la distribution des éléments.
Pourquoi, rapport dialectique entre réel, imitation, ressemblance, vérité ?
Roland Barthes, “le référent adhère”.
Les images fixes sont des objets qui nous disent qu’il y a eu quelque chose : instant T.
Portrait, mort et représentation
Photographie post-mortem très en vogue, ajout d’un défunt sur des photos en situation de vie, fiction.
Mythe des origines des arts : le potier de Sicyone. Amants, le père de l’amante qui ne peut revoir son amant, façonne son visage dans la terre. Premier
Pline l’Ancien écrit son “Histoire Naturelle”considérée comme l’un des premiers “dictionnaires” tentative de répertoriation.
Dessin, peinture, sculpture comme moyen de capter le réel et le conserver. Trace de l’être absent. L’image comme ombre. L’idole, étymologiquement “fantôme des morts,
spectre” (de eidolon), devient progressivement une image, un portrait.
Pratiques sociales : effigies dans l’antiquité romaine lors des décès des notables, que l’on porte, puis on place ces statuettes dans la maison. Vénération, culte des ancêtres. Imitation de la forme vivante des morts ; le défunt reste présent dans la vie.
En France, mannequins de cire. Respect de l’étiquette, pendant 40 jours à la mort du roi, son mannequin de cire est respecté, baisé comme s’il fût vivant. Réappropriation ensuite par Madame Tussaud, dont le musée est aujourd’hui à Londres.
Débuts de la lanterne magique, images peintes sur des plaques en verre, projetées avec la lumière ; grand succès.
Nicéphore Niépce prend la première photo :Point de vue du Gras, mais très long au départ (12h, on voit les mouvements du soleil). Se réduira progressivement.
Scission du public face à l’essor de la photo. Accueil favorable, “instrument miroir” qui accueille le réel. Mais opposition, moyen considéré comme froid, fixe, inutile à la création artistique.
Imaginaire qui se crée, avec l’entrée dans notre vocabulaire d’expressions courantes “y’a pas photo” ou encore “la preuve par l’image”.
Photographie et journalisme
Développement du reportage photographique dès le début du XXe, les illustrés puis les photomagazines.
“icône-indicielle” (J-M Shaeffer) : la photographie de presse est à la fois une trace et une représentation de l’objet ou du sujet.
La guerre de Crimée est l’un des premiers événements suivis par les photographes (Roger Fenton, 1855). On voit l’avant, l’après mais pas l’événement en lui-même.
L’instantané arrive après, il permet les films de guerre et les photos prises sur le vif, des combats. Notion d’instant décisif : reconnaissance simultanée de la signification d’un fait et de l’organisation des formes perçues visuellement qui l’expriment : signifiant, signifié, référent.
Robert Capa, hongrois, “Soldier at the very moment of death”, “la mort d’un soldat républicain” en 1936. On met en doute la vérité photographique : crise du photoreportage. On accuse les producteurs d’images de falsifier les images.
Qu’est-ce qu’une photographie ?
Traquer le naturel, ce qui se veut comme évident. Mais derrière toute image, il n’y a jamais de neutralité absolue.
- choix du sujet
- choix du moment
- choix de la disposition - choix du cadrage
- etc
Échelles de plans (distance sujet/objectif), profondeur de champ (distance premier/dernier plan), angles de vue (place caméra), axe de prise de vue (position caméra par rapport au sujet).
Plan italien (genoux), plan américain (mi-cuisse), plan rapproché épaules (haut du buste) : volonté de valoriser des détails, le général ou le particulier
“La fille à la fleur”, 1967. Manifestation contre la guerre du Vietnam. “Kim Phuc brûlée au napalm”Nick Ut, 1972.
La Madone de Benthala
Universalisation : condensation d’un message pour qu’il devienne universel. Appropriation culturelle : terme “Madone”.
Figure de la “mater dolorosa” chrétienne, avec la Vierge Marie. Figure de la mère, soit porteuse de la vie, soit pleureuse.Piètasde Michel Ange, Luis de Morales, etc. Puis elle irrigue une culture profane : mère patrie, sculpture dans un cimetière militaire ; Picasso (“Femme qui pleure”).
Représentation du Cri
Edvard Munch, ou le “Groupe du Laocoon” en référence au mythe troyen.
Stéréotypage: processus de stabilisation sémiotique qui tend, par la reprise et la réplication, au schématisme et au figement (Dominique Ducard).
Cela peut également être qualifié de cristallisation : on choisit une séquence, un moment, dans tout un événement, qui le représentera dans son ensemble, destiné à symboliser cet événement.
La photo de la Madone de Benthala est recadrée ; c’est un détail, à l’origine.
Groupe du Laocoon: cristallisation du cri.
Lessing écrit sur une peinture de Médée qui s’apprête à assassiner ses enfants. Une représentation statique représente toute l’histoire de Médée.
Les images permettraient de représenter des récits.
Différence récit / histoire / narration. La prof raconte sa journée en 20s.
- le récit est pensé en termes de temporalité (une journée)
- la narration dure le temps lors duquel l’histoire est racontée (20s)
- l’histoire englobe les deux
Toutes les images ne sont pas porteuses de récit mais peuvent en porter.
Longue tradition de création de récit à des images dans la religion catholique. Triptyque du Jardin des Délices, Jérôme Bosch.
travers
Agrégation et juxtaposition d’actions.
L’enlèvement des Sabines, de Nicolas Poussin, 1937.
Ensemble d’éléments rassemblés dans un seul tableau mais qui sont à différents moments du récit réel.
La disposition des personnages est également utilisée par les artistes et créateurs d’images. Scènes de chasse et observation.
La Chute d’Icare, le tableau ne montre que très peu Icare, dont on voit la jambe émergeant de la mer, qui se noie. Pieter Brueghel l’Ancien. Il faut connaître le mythe, et chercher avec attention, pour comprendre le tableau correctement et en déceler le sens et la visée : montrer qu’il meurt dans l’indifférence générale ?
La Sonnette,Robert Doisneau (1934).
L’enfant sonne, le groupe semble se préparer à fuir. On a tous les éléments de contexte pour faire la mise en récit, et imaginer la suite. On nous raconte quelque chose, car on peut l’identifier, ayant les références nécessaires (sonnette, etc). Pour celui qui ne le peut pas, l’image et fixe et on ne peut contextualiser.
Que voit-on dans l’image ? Ce qui est dénoté.
Que signifie ce qu’on voit dans l’image ? Ce qui est connoté.
Toute connotation est interprétation, lecture extensive des éléments. On ne peut se passer totalement de connotation.
Case de Tintin dans le désert,Le crabe aux pinces d’or, distribution des personnages en 4 séquences de l’image en question (Haddock, tireur embusqué, tireur hésitant, tireurs en fuite)
Diégèse: espace temps dans lequel l’action se déroule.
Diffraction :montrer l’invisible, décomposer le mouvement.
Apparition de la chronophotographie notamment avec laChronophotographie d’un cheval au galop. Volonté de représenter le mouvement autrement, de repousser les limites techniques de l’image fixe (qui peut néanmoins représenter le mouvement).
Culture de l’affiche imprimée de longue date, corrélée à une publiphobie très forte en France.
Publicité : capter l’attention d’un public, créer des mythes, pour faire vendre.
- Rhétorique de l’avant/après en publicité.
- Aussi reprise transformée d’énoncés bien connus issus de la littérature merveilleuse
- Reprise de motifs iconiques renvoyant à des univers fictionnels et magiques
- Emploi de la formule inaugurale du conte de fées : “il était une fois”.
Chez Fraysse, rue de Seine.Photographie de Doisneau (1958). De nombreuses lectures possibles.
explication historique: déroulement d’un événement. 1. La photo est un document
- Démarche ascendante
- Effort de connaissance
explication mythique: réactivation d’une fable 1. La photo est une illustration
- Démarche descendante
- Effort de reconnaissance
Le récit vient-il de l’image, de nous-mêmes (récepteurs), ou bien de la conjonction des deux ?
La lecture dépend de l’investissement du récepteur, de son bagage culturel et personnel, du “contrat de lecture” de l’image (les éléments que l’on donne, qui sont extérieurs à
l’image : où est cette image, à quoi puis-je m’attendre ?), du travail de reconnaissance ou de déduction, ou encore du “catalogue de scripts” en tête (J-M Adam) aussi appelés “scénarios communs” par Umberto Eco.
Quelles sont les limites à la narrativité des images ? Les connaissances du récepteur, le “catalogue”, la limite entre la vérité et ce qu’on pense être le sens réel.
La fillette(plot twist qui est en fait un garçon)et le vautour, de Kevin Carter, 1993.
Il reçoit le prix Pulitzer, il est condamné par toute une frange de la société à l’époque, ce qui le poussera jusqu’au suicide. Question de l’éthique. Mais aussi question du récit potentiel, à partir d’une image. Carter a t-il aidé le garçon ou l’a t-il laissé à son sort ?
Figuration: représentation d’éléments anthropomorphiques ou animés
Corrélation: création d’une mise en scène, lien entre les différents éléments
(organisation spatiale)
Consécution: synthèse d’une séquence d’actions (une action puis l’autre)
(organisation temporelle
Intrication: mise en récit d’actions multiples